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2017-05-08رئیسِ «جمهور» یا رئیسِ «جمهوری» ؟ | غلطهای رایج #۱
2017-05-26Ma tribune parue le 18 mai 2017 dans le journal Le Monde : « L’Iranien est un idéaliste pragmatique »
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Je ne prétends pas être un philosophe ou un historien, ni même un poète reconnu – même si les Iraniens sont sensibles à la poésie et tiendraient tous un carnet caché de poèmes. Lorsqu’on évoque l’Iran, ces trois figures sautent aux yeux. Mais en tant que journaliste et ancien militant politique, je peux apporter un regard sur l’Iran moderne.
L’Iran, que l’on connaît en Occident sous le nom de Perse, intègre tardivement l’ère moderne. C’est au milieu du XIXesiècle que les Iraniens se réveillent d’un long sommeil de l’Histoire. Vaincu aux deux guerres contre l’Empire russe, l’Iran envoie alors ses chercheurs novices en France dans le but d’apprendre les nouvelles sciences pour fabriquer des armes à feu et construire des hôpitaux modernes. En dépit de ce retard, les Iraniens sont les bons élèves de la modernité. Rapidement, les résultats apparaissent. En l’espace d’un siècle, l’Iran a connu deux révolutions dans sa structure politique et cinq mouvements politiques et sociaux à l’échelle du « printemps arabe ».
«Les Iraniens vivent dans une dualité héritée du zoroastrisme et du manichéisme, deux piliers de leur identité»
Ainsi, pourquoi l’Iran se place-t-il toujours dans la logique inversée de l’histoire de sa région ? Comment comprendre l’hyperactivité iranienne en matière de mouvements sociopolitiques ? Les Iraniens sont des idéalistes, au même rang que les Français, mais aussi des pragmatiques comme les Américains. Cela n’est pas une nouveauté. En effet, les Iraniens sont attachés aux poètes Saadi (vers 1210-1292) et Hafez, auteur du XIVesiècle. Autant inspirés par Ferdowsi (vers 940-1020) que par Omar Khayyam (1048-1131), les Iraniens vivent dans une dualité héritée du zoroastrisme et du manichéisme, deux piliers de leur identité.
Deux pôles contradictoires
Si vous présentez une problématique à un(e) Iranien (ne), il (elle) va probablement scinder la question en deux pôles pour, dans un premier temps, éclairer les choses, et dans un second temps résoudre le problème. Cependant, un Perse moderne – que l’on appelle Iranien – arrive à vivre avec ces deux pôles contradictoires.
En effet, il peut être un fervent partisan du cogito – « Je pense donc je suis » – mais cela ne l’empêchera pas de participer à la cérémonie d’Achoura. L’Iranien peut à la fois être athée et crier «Allahou Akbar!» («Dieu est grand!») pendant les manifestations politiques contre les autorités religieuses. S’il est religieux pratiquant et qu’il voit les résultats des recherches scientifiques sur l’origine de l’Homme, il ne va pas les contredire mais s’adaptera à cette nouvelle réalité. L’Iranien n’est jamais satisfait. Il critique tout, notamment tout ce qui concerne le régime politique qu’il s’agisse de l’ancien ou du nouveau régime. Mais, si son pays est confronté à une menace extérieure, il se range sans hésitation derrière le leader de sa patrie. Bref, l’Iranien est un idéaliste pragmatique.
Il ne renonce pas à ses idéaux mais se contente des moyens existants pour faire avancer ses projets. C’est la raison pour laquelle, à la différence des autres peuples musulmans, les Iraniens gardent une continuité historique entre leur passé préislamique et le présent islamique. L’un ne s’oppose pas à l’autre alors que, historiquement et politiquement, ils sont censés marquer une rupture. Le prophète Mahomet est aussi important que Cyrus le Grand. La parole d’Einstein est aussi légitime que les versets du Coran.
Une société en perpétuel mouvement
En revanche, à Farang – expression employée par les Perses pour désigner l’Occident -, tout est carré. La nuance n’est pas tolérable. Si tu es musulman, on ne comprend pas pourquoi tu bois de la bière en regardant un match de foot. Si tu es communiste athée, on ne comprend pas pourquoi tu es un militant engagé dans un mouvement politique qui a pour leader un musulman pratiquant, comme Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre iranien, surtout si ce dernier est un architecte qui s’inscrit dans l’école de Renzo Piano.
« Alors qu’il rejette massivement le matérialisme, l’Iran a bien compris le sens du message de Karl Marx : “Tout ce qui est solide se dissout dans l’air”»
Pour un Farangi – un « Occidental » dans la langue courante persane -, tout cela n’est pas sérieux. Quelque chose ne va pas. Cependant, la société iranienne est une société en perpétuel mouvement. Elle se dirige vers plus de démocratie, plus d’égalité et plus de modernisation. La société iranienne n’est pas rigide. Si elle l’était, elle se serait effritée face à tant de dangers extérieurs et intérieurs. Alors qu’il rejette massivement le marxisme, l’Iran a bien compris le sens du message de Karl Marx : « Tout ce qui est solide se dissout dans l’air. »
On n’a pas tort de considérer que la société française, l’une des plus « avancées » dans le monde actuel, n’avance plus. Les progrès technologiques sont énormes, mais ce n’est pas pour autant que la société évolue vers une structure plus juste, plus égalitaire et plus équitable. Néanmoins, comment comprendre ce progrès technologique ? Les scientifiques sont, comme les Iraniens, des idéalistes pragmatiques. Ils sont même les pionniers de l’idéalisme pragmatique car ils rêvent beaucoup. Mais, en fin de compte, ils réalisent une partie de leurs rêves en profitant des moyens à leur portée. Comme ils sont idéalistes et rêveurs, ils sont capables de distinguer une bonne situation d’une mauvaise situation. Comme ils sont pragmatiques, ils risquent moins d’être déçus. Alors, ils ne perdent pas espoir. Ils avancent.
En l’espace d’un siècle, l’Iran a connu deux révolutions dans sa structure politique et cinq mouvements politiques et sociaux à l’échelle du « printemps arabe ».
Les hommes et les femmes de science réparent des choses au lieu de tout recommencer de zéro. Ils sont relativement modestes et ouverts au monde. Ils ne méprisent pas une invention indienne à cause de son origine. Ils s’adaptent. Malgré eux, ils vivent dans la nuance. Mais ce n’est pas une grande révélation pour les Français, qui possèdent les meilleurs scientifiques.
Pour l’Iranien francophile que je suis, il est souhaitable, voire nécessaire, que la société française puisse réinventer l’organisation de la vie moderne avec ses atouts et sa richesse afin que l’Homme accomplisse au fil des jours un pas de plus vers le progrès. Cela ne serait possible qu’en se réconciliant avec la part d’inconnu de nos vies qui nuance le réel déjà compliqué. Lorsqu’on arrivera à cette conclusion, il deviendra plus facile de rester en mouvement permanent afin d’éviter, comme les Iraniens tentent de le faire, le piège du désespoir et de l’arrogance.
Ma tribune sur Le Monde :
« L’Iranien est un idéaliste pragmatique »https://t.co/PbY2pcmSvw— Roohollah Shahsavar (@RoohShahsavar) May 20, 2017
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