Partisans du candidat réformateur Hassan Rouhani, le 8 juin à Téhéran - Ebrahim Noroozi/AP/SIPA
Le long débat télévisé de quatre heures entre les huit candidats autorisés à participer à l’élection présidentielle iranienne de vendredi ronronnait depuis un moment avec une longue succession de monologues, lorsque l’animateur lança le temps fort de la soirée : les candidats devaient se plier à une épreuve avec des questions aux choix multiples.Les huit candidats
C’est à ce moment là que Mohammad Reza Arref le candidat proche des réformateurs, s’indigna de la manière dont le débat était animé.
Sa protestation fut suivie par celle de trois autres candidats dans l’étape suivante du débat, où les candidats devaient exprimer leurs commentaires libres à des images proposées par l’animateur-inspecteur de la télé iranienne.
Ce qui s’est passé ce vendredi 31 mai 2013 à la télé iranienne n’était que la mise à nu d’une logique policière face aux caméras.
Parler des aspects les plus personnels de la vie, révéler les secrets de tous les membres de la famille, manifester ses croyances les plus intimes font parties des méthodes des policiers du renseignement iranien.
Ce soir-là, face à des millions de téléspectateurs iraniens, l’animateur du débat a endossé le rôle d’un inspecteur de la police iranienne, et est allé jusqu’à imposer des limites aux candidats aux élections présidentielles dans les réponses qu’il attendait de leur part.
Mais ce qui complétait ce cirque sinistre, c’était la présence d’un observateur taiseux représentant les hauts responsable du régime, juste à côté de l’animateur-inspecteur, sur le plateau de la télé.
De nombreux activistes politiques iraniens comme moi ont expérimenté cette situation lors des gardes à vue à durée non-limitée ! Dans les salles de garde vue, nous avons tous constaté la présence d’une tierce personne qui en apparence, n’a aucun rôle dans l’instruction du dossier.
Silencieux, sans réaction, sans identité précise mais qui déploie une ombre de peur et de terreur, que ce soit en garde à vue ou à la télévision du régime.
Si aujourd’hui cela se produit dans les débats télévisés des candidats à une élection présidentielle, c’est en partie à cause de la main mise des services du renseignement sur toute la vie politique iranienne à partir des événements post-électoraux de juin 2009.
D’ailleurs, les deux principaux candidats, opposants de Ahmadinejad en 2009, sont toujours assignés à résidence.
A mon avis, les candidats qui ont accepté les conditions du débat et qui n’ont pas protesté ont été confrontés, tout au long de leur vie politique, à ce genre de situation d’aliénation. Ils ont été en quelque sorte conditionnés à se plier à ces situations et ils connaissent du bout des doigts les techniques et les tactiques pour survivre aux « humiliations » et « rabaissements ».
Si une ligne hypothétique séparait les candidats humiliés de ceux qui ont préservé leur droit de protestation, le résultat serait spectaculaire.
On peut maintenant mieux voir les réactions de chacun de ces huit candidats par rapport au débat télévisé.
Nul doute, un jour, les débats télévisés iraniens seront comparés à des procès staliniens et feront couler de l’encre.
Ecrit pour Rue89
This website uses cookies. By continuing to use this site, you accept our use of cookies.