A la lecture de l’annonce de cet événement ci-dessous, j’ai pensé immédiatement à Mehdi, un de mes amis en Iran qui portait beaucoup d’intérêt à ce type d’action.

« Tractage pour Martine Aubry à Sciences Po Je vous propose, avant le second tour de la primaire citoyenne, de venir tracter avec moi devant les locaux de Sciences Po pour convaincre les jeunes étudiantes et étudiants de soutenir notre candidate, et pour les encourager à désigner leur prochaine Présidente de la République le 16 octobre 2011.?La dynamique et la cohérence sont de notre côté, c’est par notre persévérance que emporterons l’adhésion de nos concitoyens. Rejoignez-moi sur Facebook ou contactez moi par mail ****  »

Amitiés socialistes

Mehdi se différenciait de la plupart des jeunes iraniens. En fait, il vivait beaucoup plus dans l’univers d’un jeune occidental que dans celui d’un jeune du Moyen-Orient.

Il faisait partie des premiers lecteurs d’Harry Potter en persan. Je me souviens d’ailleurs d’une fois où lors d’un voyage en train, il avait lu quatre cent pages d’affilé du livre « Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban ».

Mehdi voulait que nous menions nos actions de campagne électorale comme dans les pays occidentaux, et il était particulièrement influencé par les élections américaines.

Facebook et Obama

Dans le contexte des élections présidentielles de 2009 en Iran, il donnait souvent des idées s’inspirant des élections américaines et de la campagne de Barack Obama. Mais beaucoup d’entre elles n’ont jamais vu le jour. En réalité, nous souhaitions tous que ses projets puissent se faire un jour dans le cadre de l’Iran, mais de telles actions y étaient alors impossible.

Par exemple, il proposait d’aller frapper aux portes des habitants de la ville pour discuter des élections avec eux. Il avait vu cette pratique dans les films américains, mais ceci n’est absolument pas envisageable en Iran. Il est clair que le propriétaire de la maison refuserait de nous parler et serait mécontent de voir quelqu’un frapper à sa porte pour parler de politique avec lui.

En mémoire de mon ami Mehdi, j’ai souhaité aller rencontrer ce jeune étudiant qui avait créé cet événement sur Facebook en invitant ses amis à se joindre à lui devant Sciences Po. J’ai alors annoncé ma venue en me présentant comme journaliste. Il répondit avec enthousiasme pour que je me joigne à eux. De mon côté, j’étais aussi content à l’idée de voir à nouveau des jeunes comme Mehdi.

Comme les Iraniens qui sont souvent en retard à leur rendez-vous, je fus moi-même très en retard ce jour là, et à mon arrivée, pas l’ombre d’un jeune militant de Martine Aubry. Je me suis connecté sur Facebook et je me suis alors rendu compte que l’événement y avait déjà été effacé. J’en fus très étonné.

Mon amie Julie m’expliqua alors qu’il était possible que l’université se soit opposée à leur présence car, étant une université plutôt de droite, faire campagne pour les socialistes n’est peut-être pas apprécié. Je me suis étonné intérieurement :

« Mais ce type d’événement peut-il arriver dans une université ? »

Et comme si elle avait entendu ma pensée, mon amie ajouta :

« ici aussi de tels événements peuvent arriver parfois »…

Un tract de Martine Aubry, tombé sur un trottoir devant Sciences Po était la seule trace que nous ayons pu trouver. Avec Julie, nous avons décidé de nous rendre sur un autre lieu de tractage au Nord de Paris.

Place de Clichy avec les Aubrystes

Cette fois-ci, nous sommes arrivés à l’heure et nous nous sommes retrouvé à la sortie du métro Place de Clichy face à face avec des militants qui s’installaient avec vivacité. Aussitôt les tracts sortis des valises, ils ont commencé à les distribuer.

Un jeune Italien s’était joint à eux pour cette campagne des primaires socialistes. Il estimait que les élections en France aurait une influence sur son pays. Tout enthousiaste qu’il était, il avait des difficultés à répondre à toutes les questions des passants. Du coup il demandait de l’aide à ses amis et des groupes de discussions se formaient.

Le nombre des militants se multipliait sans cesse. Ils m’ont expliqué que sur cette place stratégique, les membres des sections socialistes de 4 arrondissements de Paris étaient présents. D’une manière générale les Aubrystes étaient plus nombreux que les Hollandistes.

J’aurais tellement aimé que Mehdi soit là pour les voir. L’espace politique en Iran ne nous offre jamais la possibilité d’organiser librement nos actions.

Par exemple, c’est impensable que nous puissions être autoriser à installer au beau milieu d’une place publique une table pour y poser les affiches et les programmes de nos candidats. Uniquement avec une permission gouvernementale et pour un temps limité, nous avons le droit de marcher dans les rues et d’y distribuer des tracts.

Une permission pour tracter ?

J’ai demandé à un des supporters de Martine Aubry, qui se tenait derrière une table sur la place Clichy, s’ils avaient besoin d’une permission de la mairie ou du gouvernement pour cela, il m’a répondu d’un air surpris :

« Non ! Si nous voulons vendre quelque chose, nous aurons besoin d’une autorisation de la mairie, mais pas pour une campagne électorale.“ 

C’est avec dérision que je lui ai répondu :

‘En Iran, si tu veux vendre quelque chose, tu n’en auras pas besoin. Mais si tu veux distribuer des prospectus politiques tu es obligé de demander une autorisation’.

Petit à petit, la nuit tombait et le nombre des militants socialistes distribuant des tracts et discutant avec des passants augmentait encore. L’un d’entre eux scandait ce slogan :

‘C’est pas les sondages ! C’est pas les élus ! C’est vous qui décidez dimanche !’ 

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Ecrit pour Rue89